
En 62-63, quand le gouvernement Lefèvre-Spaak, après un vote au Parlement "cliche" la frontière linguistique, il a "pour objectif de terminer la question du statut linguistique des communes" explique Stéphane Rillaerts. "On a souvent dit, des deux côtés, que c’était la dernière problématique qu’il faut résoudre. Quand on aura résolu celle-là, on arrivera au bout et on pourra enfin passer définitivement à autre chose." détaille le chercheur du CRISP.
Et aujourd'hui, la crainte est "qu'après BHV, viennent d’autres revendications. C’est certainement une des craintes qui existent du côté francophone, notamment sur les facilités qu’on a bétonnées et rebétonnées à plusieurs reprises mais dont on voit bien, dans leur application aujourd’hui, qu'elles sont quand même remises en question, contestées, ou en tout cas, qu’on en restreint le champ d’applications par rapport à ce qu’il a été dans les décennies passées."
Le maintien de BHV, un vote... flamand
Peut-on estimer qu'à l'époque, il y eut un "troc" : le clichage de la frontière linguistique contre le maintien d'un arrondissement unique pour Bruxelles et sa périphérie ? "Historiquement, ce qu’on peut dire, c’est que la question de Bruxelles et sa périphérie a été discutée au sein du gouvernement Lefèvre-Spaak pendant le début de l’été 63. Le gouvernement n’est pas arrivé à se mettre d’accord et Lefèvre a présenté sa démission au Roi qui l’a refusée. On a donc réalisé un de ces conclaves dont notre vie politique a le secret, à Val Duchesse, déjà. C’était un vrai conclave, sans trace écrite de ce qu'il s’y est dit réellement. On s’en est sorti avec un accord, qui a été présenté au Parlement.
Un député flamand a proposé un amendement qui visait à scinder l’arrondissement électoral de BHV. Ce qui veut dire que dans l’accord, cette scission n’était pas prévue. On l’oublie aujourd’hui, mais ceux qui se sont heurtés de la manière la plus virulente à cet amendement, ce sont des députés néerlandophones, du parti socialiste principalement, les libéraux ayant quitté la séance, invoquant le fait que si on scindait BHV, il n’y aurait (quasiment) plus de députés flamands à Bruxelles. Ce qui est intéressant, c'est que les francophones n’ont pas participé au débat. Mais Arthur Gilson, le ministre de l’Intérieur, a bien confirmé que le maintien d’un arrondissement électoral unique sur BHV faisait partie d’un package négocié à Val Duchesse car il a dit : 'S'il vous plait, ne remettez pas en cause des éléments de l’accord, car c’est tout l’accord qui va tomber à l’eau', raconte Stéphane Rillaerts. Il est clair qu’en sortant de Val Duchesse, l’accord était qu’on maintiendrait BHV. Mais il y avait une sorte de donnant-donnant par rapport à la frontière linguistique qui apparaissait plus défavorable pour les francophones."
Compromis
La maxime est connue : "Tant qu'il n'y a pas d'accord sur tout, il n'y a d'accord sur rien". Et parrallèlement, toucher à un élément d'un compromis remet le compromis dans son ensemble en cause. A cet aune et dans une vision historique, aujourd'hui, les francophones ont-ils raison de demander à changer la frontière linguistique si on touche à BHV ? "Ils sont dans la légitimité de le faire. Dans ce pays, dès qu’on remet un compromis en cause, la logique, c’est qu’on remette tous les éléments du compromis en cause. La vision flamande [sur la frontière linguistique] est un peu différente, car, pour la Flandre, la frontière linguistique en tant que telle, a un caractère beaucoup plus lourd, beaucoup plus important voire dramatique depuis les guerres en Europe à la suite de la chute du mur de Berlin. Ce sont des arguments qu’on entend parfois.
Et donc, l’idée qu’on pourrait revoir la frontière linguistique serait une espèce de boite de Pandore qui aboutirait à une situation de pré-guerre civile. Alors que les éléments qui sont perçus par les francophones comme ayant été compensatoires à une fixation d’une frontière linguistique qu’ils ont jugée défavorable, ne concernent finalement, eux, que la vie administrative d’une région ou d’un Etat, et qu’on pourrait les revoir sans aboutir à des conséquences aussi dramatiques. Et c’est là que les visions restent antagoniques…"
Entre ces deux visions, aujourd'hui, on assiste à un dialogue de sourds.
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