Ouvrons les yeux !
Damien Thiéry Député fédéral ; bourgmestre non nommé de Linkebeek
Mis en ligne le 01/09/2010
Accepter ce qu’il se passe maintenant, c’est accepter de prendre des coups de bâton sans mot dire, sous prétexte qu’il vaut mieux se faire battre par son mari plutôt que d’envisager un divorce à l’amiable. Une opinion de Damien Thiéry, bourgmestre non-nommé
Pouvons-nous décemment, en tant que responsables politiques vivant dans une région ou le gouvernement en place bafoue régulièrement la démocratie et le droit des gens, accepter que, comme en 1963, le gouvernement fédéral impose aux habitants des communes de la périphérie, sans les consulter, une solution "négociée" dans le cadre de la réforme de l’Etat qui ne leur convient pas ?
Oser dire que nous nous dirigeons vers un chaos institutionnel si on ne trouve pas à tout prix un accord dans les plus brefs délais est erroné. Mais cette formule est porteuse médiatiquement, et politiquement, bien sûr. Souvenons-nous de la formule magique d’Elio Di Rupo lors des dernières élections régionales, "voter MR c’est aller vers un bain de sang social " C’était très fin mais très machiavélique aussi Ce qui est dangereux, c’est qu’il s’agit tout simplement d’une formule pour faire peur au peuple, le mettre au pied du mur, le déstabiliser. C’est une formule qui prévient déjà les citoyens des concessions unilatérales que les francophones auront dû faire pour sauver le pays dont le principal interlocuteur flamand ne veut plus !
Ouvrons les yeux ! Il faut une fois pour toute rouvrir le débat de l’élargissement de BXL et briser le carcan de Bruxelles en Flandre. Je rappelle que c’était la volonté de tous les présidents de partis francophones avant les élections, qu’en reste-t-il aujourd’hui? Elle avait bon dos la campagne électorale Aurait-on une fois de plus leurré l’électeur ? Ou sommes-nous clairement tributaires d’un nationalisme grandissant et irrévocable au nord du pays ? La population ne devrait-elle pas être consultée ou, au moins, les élus de toutes les communes concernées ? Je vais d’ailleurs prendre personnellement l’initiative de contacter tous les élus francophones de la périphérie pour savoir ce qu’ils pensent de la situation actuelle et s’ils sont d’accord de se faire entendre, ensemble, auprès des présidents de partis francophones.
On ne parle pour l’instant que de concessions francophones. Que concèdent De Wever et ses amis ? Il faudra probablement, à un moment donné, oser parler d’un plan B plutôt que de tout concéder dans un plan A et par après devoir constater que tout a été mis en place pour que le plan B soit malgré tout inévitable.
Pour rappel, la stratégie de Bart De Wever durant la campagne électorale était claire :
1. d’abord scinder BHV, et c’est déjà pour lui derrière le dos. Sans concession aucune. Ce qui bloque, entre autres, la négociation pour l’instant ;
2. faire de Bruxelles une ville (située en Flandre) et non plus une région, sauf si elle est mise sous tutelle flamande ;
3. faire de la frontière linguistique une frontière d’Etat.
Penser que Bart De Wever ait changé d’avis depuis lors est un leurre et est une erreur tant politique que stratégique. Chaque fois qu’on est proche d’un accord, Bart De Wever trouve une autre revendication. Il porte seul la responsabilité de cet échec, mais, plus surprenant encore est la position du CD&V, plutôt fédéraliste, qui semble le suivre à 100%.
Que dire de la dernière proposition Di Rupo ?
- scission BHV contre quelques droits pour les six communes à facilité only ! Rien pour les francophones hors communes à facilités ;
- possibilité de vote pour les habitants des communes à facilités à BXL. Questions : durée dans le temps ? Démarche administrative pour droit d’inscription ? Un candidat d’une commune à facilités va-t-il pouvoir se présenter à BXL ? ;
- assouplir les circulaires Peeters & Co (c’est aussi un chèque en blanc ! Qui dit qu’une nouvelle circulaire de la Région flamande ne va pas venir pour confirmer la première ?) ;
- documents administratifs dans la langue de l’intéressé accordés pour six ans, plutôt qu’une demande systématique. C’est bien la preuve qu’à terme la Flandre envisage toujours la fin des facilités ! ;
- Les recours traités par une chambre bilingue du Conseil d’Etat - maigre avantage, si c’en est un réellement
- La communauté urbaine est un leurre. Un élargissement est une réalité (favorable au financement de la région BXL) ;
- Une solution pour la nomination des bourgmestres de la périphérie, mais laquelle et quand ? La nomination d’un élu au poste de bourgmestre est un droit démocratique, et la démocratie ne se négocie pas ! ;
En attendant, qu’en est-il de :
- l’élargissement de BXL cher aux présidents de partis FR et promis avant les élections ;
- convention cadre sur la protection des minorités ;
- demander ce que le peuple veut réellement, ce qui reste la base de travail dans un pays démocratique (consultation populaire) ;
- cette demande de l’argent frais pour BXL contre le droit des gens en périphérie ;
- la compétence de la communauté française en matière de soins de santé et d’activités socioculturelles et sportives sans oublier l’enseignement en périphérie ;
- l’interdiction d’inventer des circulaires qui interprètent les lois linguistiques élaborées au niveau fédéral ;
- des facilités bétonnées et re-bétonnées cinq fois dans la Constitution, contre marchandage des droits des francophones de la périphérie, toujours eux.
Je pense que nous avons définitivement déjà beaucoup trop concédé sans rien recevoir de concret. Nous aussi il nous faut des garanties, surtout pour BXL et sa grande périphérie. Nous sommes demandeurs de donner à Bruxelles sa véritable dimension. Demandons aux Bruxellois ce qu’ils veulent et, ensuite, négocions en mettant nous-mêmes nos recommandations
BDW disait hier sur Canvas que le front des Flamands était rompu par le SP.A de Mme Genez. Celui des francophones n’a plus jamais existé depuis le 13/06/2010. Mettons nos rancœurs de personnes ou de formations politiques francophones de côté et accordons-nous dans l’intérêt de tous les citoyens francophones, wallons, bruxellois et de la périphérie.
Nos propositions ne vont pas à l’encontre de la Flandre, elles laissent entrevoir une solution dans le droit et l’intérêt de tous ! Pourquoi BDW ne veut-il plus discuter qu’avec Di Rupo ? Madame "non" Milquet aurait-elle des revendications trop fortes pour sa bourgmestre de Rhode-St-Genèse ? Le PS n’a plus d’intérêt électoral en périphérie, par contre il a la main à BXL. Est-ce une raison suffisante pour laisser tomber le sort de 150 000 francophones en périphérie ? Il devrait comprendre que le sort des deux est étroitement lié. Il faut sortir BXL du carcan de la Flandre et renforcer le statut de cette région par son élargissement Accepter ce qu’il se passe maintenant, c’est accepter de prendre des coups de bâton sans mot dire, sous prétexte qu’il vaut mieux se faire battre par son mari plutôt que d’envisager un divorce à l’amiable.
Aurions-nous si peur, sommes nous aussi lâches ? Accepterons-nous de vendre 150 000 personnes dans la périphérie contre 500 000 000 d’euros pour la région bruxelloise ? Et quand l’argent ne sera plus ? Ne sera-ce pas au tour de BXL de se faire désosser, avant le reste du pays ?
C’est cette réflexion que nous devons avoir. Repartir d’une feuille blanche, et savoir ce que nous voulons encore réellement faire ensemble ! Croire qu’on va résoudre les soucis communautaires en deux mois alors qu’ils existent depuis un siècle, c’est croire qu’on va pouvoir faire tenir un bouquet de roses fleuries dans un vase pendant six mois sans qu’elles ne dépérissent !
Je fais donc un appel pressant à l’unité et l’union des francophones : laissons nos différends au placard et voyons comment contrer l’impérialisme de la NV-A, seul parti à ne pas vouloir avancer dans une réforme juste de l’Etat et acceptable pour tous les Belges, car ce parti ne veut pas (plus) écouter ses interlocuteurs. Tout ce qui est sur la table est largement défavorable aux francophones, beaucoup plus que ce qui était proposé en 2005, lorsque nous étions, MR-FDF compris, sur le point de trouver un compromis que le SPa "Spirit", ancienne branche de la Volksunie, a fait capoter.
Repartir en négociation maintenant, même sans la NV-A comme le proposait Bart De Wever hier soir dans l’émission "Panorama", serait une erreur magistrale, car 90% des revendications flamandes sont atteintes, les 10% restant seulement du coté francophone. Il est temps de faire ses comptes et de se poser les bonnes questions.
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