Qui est Frans Van Daele, chef cab pressenti du Roi Philippe ?
La future éminence grise de Philippe Ier pourrait être ce diplomate aguerri, étiqueté CD&V, et ancien directeur de cabinet du président du Conseil européen Herman Van Rompuy.
Le prince héritier Philippe prêtera serment le 21 juillet prochain. Il devrait être entouré d’une nouvelle équipe, le directeur de cabinet d’Albert II, Jacques Van Ypersele, étant probablement sur le départ. Un nom est aujourd’hui sur toutes les lèvres pour lui succéder : celui de Frans Van Daele. Depuis plusieurs années déjà, certains le voient accéder aux plus hautes fonctions au Palais royal. Il y a trois ans, interrogé à ce sujet par Trends-Tendances, l’intéressé démentait : «Terminer sa carrière diplomatique comme chef de cabinet du président du Conseil européen, c’est un bel aboutissement », livrait Frans Van Daele. Voici son portrait, rédigé en février 2010, à l’occasion de sa nomination comme directeur de cabinet d’Herman Van Rompuy.
Frans Van Daele est la cheville ouvrière de la diplomatie belge, tendance CD&V. Homme de réseaux et de pouvoir, il a tissé sa toile dans les milieux politique, économique et académique. Il est désormais chef de cabinet du président permanent de l’Union européenne. «Un aboutissement.»
C’est le baptême du feu pour Herman Van Rompuy. Le fraîchement désigné président du Conseil européen ouvre pour la première fois les festivités à Bruxelles. C’est lui qui a réuni les 25 chefs d’Etat de l’Union pour un sommet exceptionnel consacré à la sortie de crise. Un sommet à hauts risques pour le chairman que les vieux briscards de la politique européenne attendent au tournant. Ils pensaient ne faire qu’une bouchée de cet «anesthésiant local», pour reprendre la formule nuancée du correspondant de Libération à Bruxelles. Ils en seront peut-être pour leurs frais. Outre les qualités indéniables de l’éphémère Premier ministre belge, la présidence permanente de l’Union peut compter sur un redoutable diplomate : Frans Van Daele, le chef de cabinet, l’homme de l’ombre.
En balance avec Dirk Wouters, conseiller diplomatique d’Herman Van Rompuy au « 16» et désormais «chef cab» de Steven Vanackere aux Affaires étrangères, Frans Van Daele s’est rapidement imposé comme l’homme de la situation dans l’esprit du nouveau président du Conseil. Homme du sérail CD&V — «tendance ACW (Ndlr : le Mouvement ouvrier chrétien flamand)», précise un ex-collègue — le baron Van Daele a bourlingué au cœur du monde diplomatique, occupant les postes les plus prestigieux. Dans le désordre : ambassadeur de la Belgique auprès de l’OTAN, conseiller diplomatique de Jean-Luc Dehaene, ambassadeur à Washington, représentant permanent de la Belgique auprès de l’Union européenne. Dernière ligne sur le C.V., avant de rejoindre le président Van Rompuy : chef de cabinet (chaperon, diront certains) d’Yves Leterme lors de son passage éclair au ministère des Affaires étrangères. Bref, un tout grand format de la galaxie sociale-chrétienne flamande.
A moitié surpris par sa nomination
Sa nomination à ce poste n’est qu’une demi-surprise pour l’intéressé. «Ma longue expérience internationale plaidait sans doute en ma faveur, reconnaît le chef de cabinet. Trente-huit ans de carrière diplomatique, dont la moitié dans des matières européennes... Mais je suis malgré tout surpris que l’on m’accorde une si grande confiance. Cette nouvelle fonction, c’est un beau défi.» Parole de diplomate. Prudent, le baron cite sa Bible, le Traité de Lisbonne, pour tracer les contours de la tâche qui attend Van Rompuy l’Européen. Il s’avance tout de même (un peu) : «Personne n’estime que la présidence permanente se limite à une fonction protocolaire. Elle devra jouer un rôle substantiel, en amont du système, pour donner des impulsions aux politiques de l’Union.»
Premier test grandeur nature : ce jeudi 11 février. Avec déjà, un gros dossier socio-économique. «La priorité, c’est l’économie, dit-il. Le président fera des propositions concrètes au Conseil, afin de mettre sur pied un programme de réformes à appliquer dans les Etats membres.» Un programme ? Le mot pourrait faire frémir dans les capitales de l’Union, où les leaders nationaux tiennent à tirer la couverture européenne à eux, quand ça les arrange... «Si Herman Van Rompuy, avec l’aide de Frans Van Daele, parvient à forger des accords en coulisses, par exemple sur la gouvernance économique ou le climat, sans faire trop d’ombre à des prima donna comme Merkel, Sarkozy ou bientôt Cameron, il aura réussi», affirme un diplomate bien introduit.
Le tour d’Europe a déjà commencé pour le duo Van Rompuy-Van Daele. A ce petit exercice, le carnet d’adresses encyclopédique du «chef cab» est un atout précieux. D’autant que ses contacts ne se limitent pas au «petit» monde de la diplomatie. Morceaux choisis : «Son réseau s’étend aux milieux politiques, sociaux, culturels... en Belgique et à l’étranger» ; «Ce n’est pas un vieux crocodile. Il ne se renferme pas dans son monde diplomatique, il parle avec tout le monde» ; «Il jouit d’une confiance au-delà de son parti. Durant les gouvernements Verhofstadt (1999-2007), lorsque le CVP n’était plus au pouvoir, il n’a pas été mis sur la touche, il est resté au contact des dirigeants» ; «Il connaît les personnes-clés dans les fleurons du monde économique et financier.» Président des alumni de la KUL, proche du cercle de la Vlerick Management School, orateur lors de nombreux séminaires universitaires, il peut enfin compter sur un réseau académique patiemment tissé au fil de sa carrière.
Coup de pouce discret au Premier
Parce que Frans Van Daele n’est pas arrivé là par hasard. «Il sait très bien comment se positionner, précise un proche. C’est quelqu’un d’ambitieux, évidemment.» «C’est un homme de pouvoir, tranche un diplomate. Il sait où il veut atterrir, et il sait comment œuvrer pour atteindre cet objectif. En actionnant ses contacts dans les chancelleries européennes, il a contribué à la nomination d’Herman Van Rompuy.»
Frans Van Daele, l’homme qui a mis Herman Van Rompuy sur orbite ? L’intéressé reconnaît avoir joué un rôle en coulisses. «Beaucoup d’éléments interviennent dans ce type de nomination, concède-t-il. Comme d’autres, j’ai fait un peu de lobbying par-ci par-là. Mais ce sont les qualités d’Herman Van Rompuy en tant que Premier ministre belge qui ont fait la différence.» Selon un fin connaisseur, c’est justement en agissant peu qu’il est parvenu à ses fins : «Quelques jours avant la désignation de Van Rompuy, Frans Van Daele était persuadé que c’était grillé. Sa sensibilité politique l’a conduit à rester discret. Il a simplement contribué à faire passer l’idée qu’il fallait convaincre les Anglais de ne pas pousser pour obtenir le poste de président, en prétendant qu’il ne s’agissait que d’une fonction protocolaire. Le hasard a ensuite un peu joué, mais il a exercé un lobbying très intelligent.»
Dès sa prise de fonction, le chef de cabinet s’est attelé à la confection de son équipe. Comme prévu par le Traité, il doit se contenter d’une équipe resserrée. Quinze «niveau A», 10 «niveau B». Et c’est tout. Mais Frans Van Daele a l’habitude. «Il s’est toujours entouré d’une petite garde rapprochée, jeune et loyale. Ca lui permet de tout contrôler», analyse un diplomate. Tous les matins, briefing général pour l’ensemble du staff. «J’aime travailler en équipe, explique Frans Van Daele. C’est une façon efficace de recevoir les infos, et cela permet de savoir ce que font les uns et les autres.» «Il est en contact direct avec tous les membres de son équipe, confirme une diplomate qui l’a côtoyé pendant plusieurs années. C’est un vrai manager. Il est exigeant, il ne laisse rien au hasard.»
Adepte de la théorie du chaos
Il serait même capable, selon un observateur, de maîtriser la théorie du chaos, selon laquelle une action simple peut engendrer une dynamique complexe (le battement d’aile du papillon qui provoque un tsunami à l’autre bout du monde) : «Il peut prévoir, anticiper plusieurs mouvements. Cela lui permet d’agir plus rapidement.» «C’est un type très brillant, mais ce n’est pas un visionnaire, tempère un autre diplomate. C’est plutôt un plombier, dans le pur style Dehaene.» «C’est un intellectuel, mais il est aussi très terre à terre, précise une autre source. Il peut parler de considérations philosophiques, passer ensuite à des questions diplomatiques concernant l’intérêt de la Belgique, puis il peut bifurquer sur les détails logistiques d’une mission.»
Frans Van Daele a deux ans et demi — cinq si Herman Van Rompuy est prolongé dans ses fonctions — pour donner du corps à la présidence permanente de l’Union. Ceux qui le connaissent le voient ensuite ambassadeur à Berlin, chef de cabinet du Roi (il a déjà l’oreille du prince Philippe) ou encore membre du conseil d’administration d’une grande entreprise. Pas lui : «Terminer sa carrière diplomatique comme chef de cabinet du président du Conseil européen, c’est un bel aboutissement.»
Gilles Quoistiaux
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