mardi 22 juillet 2008

La Wallonie et la Flandre - Avis intéressant.

La Wallonie et la Flandre

Le terme "Wallonie" n'avait aucune existence réelle (il n'avait été employé jusqu'alors que dans de très rares livres de spécialistes) avant que l'écrivain liégeois Albert Mockel ne l'utilise en 1886 comme titre pour une jeune revue symboliste qui a eu un certain succès et une certaine importance dans le mouvement symbolique français.

Mais s'il n'y avait pas de Wallonie, il y avait des Wallons, des gens qui parlaient le wallon (ou plutôt les wallons). Ce sont des langues/dialectes d'oïl.

Ma mère de 81 ans est une vraie wallonne, elle n'a appris le français qu'à l'entrée à l'école (anecdote : elle et ses camarades étaient punies par leur professeur - une soeur issue d'une bonne famille bourgeoise - lorsqu'elles parlaient wallon dans la cour ou en classe).
Le wallon était - avant l'école obligatoire - la langue de la communication orale et le français la langue de l'écrit. Mais qui savait lire?! Le peuple? Les petites gens de Wallonie?
Tout ceci pour dire qu'il y a bien des points communs entre l'expérience des Wallons et des Flamands de la période pré-démocratique de l'histoire belge. La même histoire d'aliénation.

La même histoire que pour les petits français bretons, provençaux, etc. La grande différence et elle est de taille, c'est que les dialectes wallons participent du monde roman. Le wallon et le français viennent tous deux du latin. C'est sans doute pour cela que les Wallons semblent avoir ressenti moins cruellement leur aliénation linguistique.

Mais pourquoi ne dit-on pas à nos voisins flamands que les Wallons ont subi le même préjudice. Justice rendue dans une autre langue, apprentissage d'une langue cousine mais étrangère, punitions... Autre anecdote : ma mère a étudié dans une école normale en Flandre pendant la guerre. Il y avait dans l'école une section flamande et une section francophone.
Ma mère était la seule et unique wallonne de l'école. Toutes ses camarades de la section francophone étaient des filles de bonnes familles bourgeoises flamandes. Toutes ses camarades de la section flamande étaient des filles de milieux populaires et de la toute petite bourgeoisie flamande.

Alors les Wallons, oppresseurs des pauvres Flamands? Ou des gens du peuple victime de la lutte des classes! Je suis, dit-on wallon, mais je ne parle ni ne comprends le wallon (notamment le wallon liégeois et namurois) L'assimilation a fait son oeuvre comme dans beaucoup de provinces françaises.

Mais le "oïl" je le partage avec tout le nord de la France. Je comprends aussi que j'appartiens à la grande famille romane et française. Je ne suis pas français - enfin pas encore - mais je n'ai pas besoin d'avoir la nationalité française pour dire que Balzac, Hugo, Zola et Céline sont à moi. De même que Simenon, Michaud et Amélie Nothomb sont à tous les Français (et à tous les Francophones).

Les grandes puissances ont tracé une frontière politique entre nous et nos frères français. De même que les Flamands ont tracé une frontière linguistique au milieu du pays qu'ils ont ensuite transformé en frontière de pré-état (mais amis flamands et européens, la langue, c'est la vie. Les langues vivent, les langues meurent. On ne peut enfermer une langue. Ou l'imposer (sauf à utiliser de moyens répressifs des temps pré-démocratiques)...

Si les Flamands demandent aux Belges de s'identifier: "Etes-vous francophones ou néerlando-phones?!? Vite, répondez!" Ils oublient que l'on peut se définir comme bilingue ou multi-lingues. Que le métissage existe. Que la Belgique est au centre de l'Europe. Que la Belgique est un peuple de "Zinneke", de bâtards... Dommage! Mais demain, les Wallons, les francophones belges qui seront sommés de se positionner (Quelle violence! Etes-vous hutus ou tutsi?) iront probablement rejoindre leur patrie culturelle : la latinité, la romanité, la France.
La France est aujourd'hui vue comme unilingue mais c'est le pays d'Europe qui est le plus riche en langues. La République française tourne le dos à l'absolutisme et au centralisme pour s'ouvrir aux régions. La Wallonie deviendra ce qu'elle a toujours été, une région du domaine roman. La Wallonie deviendra une région du domaine français.
La République française nous accueillera comme l'Europe a accueilli les Européens de l'est. Parce qu'ils sont européens, parce que nous sommes de culture française.
Mais à l'heure où la démocratie avance et où la brutalité recule, pourquoi faudrait-il que nous nous séparions de vous, Amis flamands, avec qui nous avons partagé tellement de choses, avec qui nous partageons la bonhomie, la dérision, la joie de vivre et de boire une bière.

La bourgeoisie francophone (wallonne et aussi flamande) avait refusé de créer en 1937 un vrai pays bilingue. Pour sauver cette expérience surréaliste qu'est la Belgique, les Wallons ("intel-lectuellement handicapés" c'est vrai mais comme tout dominant linguistique, voyez les Américains aujourd'hui, mais sans doute moins que les Anglo-saxons) sont sans doute prêts dans la périphérie et aux frontières mais sans doute aussi à Namur et ailleurs à tenter l'aventure de l'apprentissage désintéressé de la langue flamande. Pour le simple plaisir d'être encore vos frères en surréalisme.
Si vous ne le voulez pas, tout le monde y perdra beaucoup (tout? enfin l'essentiel). L'Europe y perdra (et la Commission européenne qui veut par souci d'efficacité imposer l'anglais!... Alors que l'efficacité en démocratie est de dialoguer, de vérifier que l'on s'est bien compris...) Vous y perdrez beaucoup.
Dois-je vous rappeler la catastrophe qu'a représenté pour la Flandre du 16e siècle le départ de ses élites protestantes vers les Pays-Bas? Voulez-vous vous séparer de cette richesse que re-présente pour vous le dialogue difficile et stimulant avec les Wallons, avec la latinité?).
Ces gens de la Commission européenne semblent ne pas comprendre pourquoi ils ont des problèmes avec les peuples d'Europe... Mais que peuvent-ils comprendre à l'Europe?!? Eux qui, après 50 ans de présence dans la belle, bâtarde et si attachante Bruxelles, ne comprennent toujours pas que l'efficacité est dans le temps que l'on passe à se parler plus que dans ce que l'on se dit.

Amis flamands, ce n'est plus l'élite francophone et censitaire qui dirige la Belgique, ce sont les peuples de Belgique. Bazardez vos constructeurs de clichés et faux murs!
Votons pour la démocratie des peuples et du coeur.

Sinon le pays explosera et les Wallons iront enrichir la culture française parfois un peu trop sérieuse et arrogante de notre surréalisme. ...ce qui finalement serait aussi une chance pour l'Europe.
Si vous vous séparez de nous, nous perdrons beaucoup mais je pense que vous perdrez beaucoup plus. Il y a déjà une Hollande industrieuse et pragmatique. L'Europe n'a pas besoin d'une triste copie. Choisissez la joie. Rappelez-vous : "Ceci n'est pas un pays", ceci est un rêve éveillé, un rêve d'Europe et de chaleur nordique...

Rédigé par: jrl | le 17/07/2008 à 00:28

1 commentaire:

B. Chambon a dit…

Bravo pour ce texte clair et précis qui exprime très exactement les raisons de faire survivre la Belgique.
En particulier, pour les francophones : "Sinon le pays explosera et les Wallons iront enrichir la culture française parfois un peu trop sérieuse et arrogante de notre surréalisme". Ce qui serait plutôt triste pour l'Europe (ma seule divergence avec vous).
Et c'est un Français qui vous approuve.