jeudi 24 juillet 2008

La tyrannie de la minorité

Leterme légitime l'insupportable nationalisme flamand

Leterme légitime l'insupportable nationalisme flamand

vendredi 25 août 2006, 02:00

Une carte blanche de Luckas Vander Taelen, journaliste free-lance et régisseur, à propos des déclarations d'Yves Leterme, ministre-président flamand, dans le quotidien français "Libération".

Luc Vandenbrande jeta un jour un coq wallon en caoutchouc à son chien, qui le déchiqueta devant les yeux des caméras de télévision. L'ancien ministre-président flamand n'arrivait pas à cacher sa joie. Et lorsque les francophones ne prirent pas cela à la rigolade, il décréta que ceux-ci n'avaient aucun sens de l'humour.

A présent, c'est Yves Leterme qui ne comprend pas pourquoi les Belges francophones s'excitent à propos de son interview à Libération. Le fait qu'ils ne soient pas en état « intellectuel » d'apprendre le néerlandais n'était qu'ironie. Et c'est le journaliste français qui a compris, à tort, que le roi parlait mal le néerlandais.

Je pourrais facilement écrire un article entier à propos des petits et grands défauts des francophones de ce pays. Mais j'ai trouvé qu'il était plus intéressant, en tant que Flamand, d'observer les choses d'un autre point de vue. J'espère qu'un jour, un francophone aura la même démarche que moi.

Les médias flamands ont immédiatement décrété que les francophones réagissaient de façon démesurée à l'interview de Leterme, sans essayer de comprendre leur réaction. Je me pose sincèrement la question de savoir ce qui serait advenu si Di Rupo avait dit une chose dénigrante à propos de, par exemple, les capacités intellectuelles des Flamands. On aurait assurément parlé alors d'une nouvelle gifle pour l'industrieux peuple flamand.

Personne en Flandre n'a l'air choqué que le ministre-président offense nos compatriotes francophones par des clichés populistes qui ne dépassent pas le niveau de conversations de café, à l'exemple de : « La Belgique est un accident de l'Histoire. » Comme si la Flandre n'en était pas un : l'Histoire est un enchaînement d'accidents auxquels seuls les mythes peuvent donner un sens. Que la Flandre soit prédestinée à devenir un État est l'un de ces mythes. La Flandre n'a jamais été une entité politique et les Flamands ont toujours vécu dans un creuset de cultures différentes.

Mais ce genre de Grande Vérité passe facilement chez des Flamands qui n'ont jamais rencontré de francophones et ne comprennent pas que qui que ce soit veuille vivre à Bruxelles. Ce qui est agaçant, c'est que Leterme confirme par ses propos des préjugés tels que : les francophones continuent à prendre les Flamands de haut et la volonté d'apprendre le néerlandais est inexistante. A Bruxelles, les écoles néerlandophones sont remplies de francophones, parce que leurs parents se rendent compte de l'importance du bilinguisme. Mais cette réalité est probablement trop nuancée pour marquer des points électoraux auprès de la base flamingante.

Le journal Le Soir, qui a été évincé depuis des années par la VRT de sa revue de presse, a publié samedi un appel de la rédaction à plus de tolérance entre les communautés, avec comme slogan bilingue : « Pour le respect mutuel, le Soir se lève. Le Soir komt op voor wederzijds respect ». Ce serait une belle marque de ce type de respect qu'un journal flamand imprime le texte de cette annonce. Parce qu'en Flandre pour le moment, on s'occupe surtout de soi-même, et de la diabolisation des autres.

N'y a-t-il donc personne en Flandre qui comprenne que les francophones se posent des questions lorsque le ministre-président flamand n'arrive pas plus loin que la bière et le football quand on lui demande ce qui nous lie encore dans ce pays ? Cela ne dénote vraiment pas le moindre intérêt pour la culture de notre pays. Mais cette double identité, dont Leterme est, avec un père wallon et une mère flamande, assez ironiquement l'un des produits, ne l'intéresse plus.

Que le contexte belge rende possible un contact quotidien avec la culture française, et qu'une chose pareille puisse être singulièrement enrichissante, laisse l'élite politique flamande de glace. Elle y préfère son flirt avec la futilité de Laura Lynn et Kate Ryann.

« La Belgique n'est pas une valeur en soi », philosophe encore Leterme dans son interview. Ce sont là des paroles qui peuvent compter pour un homme qui ambitionne de prendre la tête du pays en question. Le ministre-président de la Flandre s'attend-il vraiment à ce que les francophones acceptent cela avec un sourire bienveillant ?

Et pour faire entièrement plaisir aux durs (« hardliners ») flamands, Leterme veut éliminer les facilités de la périphérie, puisque les francophones ne veulent de toute façon pas apprendre le néerlandais. La suppression des facilités est pourtant, d'un point de vue flamand, aussi bête que la demande de scission immédiate de Bruxelles-Hal-Vilvorde. Ce sont des exigences dépassées qui ont une grande valeur symbolique pour une partie du mouvement flamand parce qu'elles doivent compenser l'injustice faite aux Flamands lorsque la francisation de la Flandre était réelle et que le néerlandais était méprisé.

Il ne fait aucun doute que tel était le cas il y a une cinquantaine d'années mais ce danger n'existe plus dans la Flandre de 2006. Les Flamands ont pris trop d'assurance pour cela, et plus personne ne croit que le français est supérieur au néerlandais. Oser proclamer cette réalité à voix haute reste un grand tabou pour de nombreux flamingants. La périphérie de Bruxelles reste pour eux aussi inattaquable que la Terre Sainte et doit à tout prix être reconquise aux francophones.

Mais où est le problème dans le fait qu'il y ait également des francophones vivant en Flandre et que ceux-ci reçoivent leurs paperasses dans leur propre langue ? Qui en Flandre est désavantagé par cela ?

« Aanpassen of verhuizen » (« S'adapter ou déménager ») et « Waalse ratten, rol uw matten ! » (« Rats wallons, pliez bagage ») sont des slogans qui ont déjà été peints par des commandos du TAK sur des maisons francophones de la périphérie bruxelloise. Il semblerait aujourd'hui que le ministre-président flamand ait les mêmes idées en la matière.

C'est un trait flamand désagréable que de devenir de moins en moins tolérant envers les étrangers et les allochtones dans la quête d'une autonomie toujours plus grande. Partant d'un vieux complexe d'infériorité flamand, l'obsession d'une Flandre en tant que territoire linguistique homogène mène à une impossibilité de vivre en communauté avec des non-Flamands. Et à la réprobation tacite du mélange et de l'altération. Le modèle bruxellois n'intéresse donc plus Yves Leterme. De la lointaine Ypres, il nous crie que la Région de Bruxelles-Capitale doit devenir « Brussels DC ». Que ceci soit tout simplement impossible à mettre en pratique, et qu'il ait ainsi mis une fois de plus en question la réalité de la Région bruxelloise, ne lui fait ni chaud ni froid.

Il ne veut pas construire de ponts vers les francophones, il veut juste les enquiquiner, par exemple en affirmant finement que 80 % de Bruxellois ne sont pas « francophones » mais « non néerlandophones ». Si nous nous attendons de la part des francophones à du respect pour notre langue, nous devons nous garder de prononcer des paroles dénigrantes à propos de la langue de la majorité des Bruxellois.

Et c'est ainsi que le ministre-président légitime de manière tacite l'insupportable nationalisme flamand. Le N-VA hoche la tête d'un air approbateur, le Vlaams Belang voit son propre agenda exécuté par d'autres. Leterme tirera des profits électoraux de ses propos musclés mais je crains qu'avec ce genre d'éructations, la Flandre tende de plus en plus à devenir une région repliée sur elle-même.

Cette tribune libre a été publiée dans De Morgen mardi 23 août 2006.

Traduction : Sandrine Herinckx.
Et les droits de base de chaque individu conformément à la déclaration des droits de l'homme ?


Ce qui vaut pour un couple doit valoir pour la Belgique

mercredi 23 juillet 2008

mardi 22 juillet 2008

La Wallonie et la Flandre - Avis intéressant.

La Wallonie et la Flandre

Le terme "Wallonie" n'avait aucune existence réelle (il n'avait été employé jusqu'alors que dans de très rares livres de spécialistes) avant que l'écrivain liégeois Albert Mockel ne l'utilise en 1886 comme titre pour une jeune revue symboliste qui a eu un certain succès et une certaine importance dans le mouvement symbolique français.

Mais s'il n'y avait pas de Wallonie, il y avait des Wallons, des gens qui parlaient le wallon (ou plutôt les wallons). Ce sont des langues/dialectes d'oïl.

Ma mère de 81 ans est une vraie wallonne, elle n'a appris le français qu'à l'entrée à l'école (anecdote : elle et ses camarades étaient punies par leur professeur - une soeur issue d'une bonne famille bourgeoise - lorsqu'elles parlaient wallon dans la cour ou en classe).
Le wallon était - avant l'école obligatoire - la langue de la communication orale et le français la langue de l'écrit. Mais qui savait lire?! Le peuple? Les petites gens de Wallonie?
Tout ceci pour dire qu'il y a bien des points communs entre l'expérience des Wallons et des Flamands de la période pré-démocratique de l'histoire belge. La même histoire d'aliénation.

La même histoire que pour les petits français bretons, provençaux, etc. La grande différence et elle est de taille, c'est que les dialectes wallons participent du monde roman. Le wallon et le français viennent tous deux du latin. C'est sans doute pour cela que les Wallons semblent avoir ressenti moins cruellement leur aliénation linguistique.

Mais pourquoi ne dit-on pas à nos voisins flamands que les Wallons ont subi le même préjudice. Justice rendue dans une autre langue, apprentissage d'une langue cousine mais étrangère, punitions... Autre anecdote : ma mère a étudié dans une école normale en Flandre pendant la guerre. Il y avait dans l'école une section flamande et une section francophone.
Ma mère était la seule et unique wallonne de l'école. Toutes ses camarades de la section francophone étaient des filles de bonnes familles bourgeoises flamandes. Toutes ses camarades de la section flamande étaient des filles de milieux populaires et de la toute petite bourgeoisie flamande.

Alors les Wallons, oppresseurs des pauvres Flamands? Ou des gens du peuple victime de la lutte des classes! Je suis, dit-on wallon, mais je ne parle ni ne comprends le wallon (notamment le wallon liégeois et namurois) L'assimilation a fait son oeuvre comme dans beaucoup de provinces françaises.

Mais le "oïl" je le partage avec tout le nord de la France. Je comprends aussi que j'appartiens à la grande famille romane et française. Je ne suis pas français - enfin pas encore - mais je n'ai pas besoin d'avoir la nationalité française pour dire que Balzac, Hugo, Zola et Céline sont à moi. De même que Simenon, Michaud et Amélie Nothomb sont à tous les Français (et à tous les Francophones).

Les grandes puissances ont tracé une frontière politique entre nous et nos frères français. De même que les Flamands ont tracé une frontière linguistique au milieu du pays qu'ils ont ensuite transformé en frontière de pré-état (mais amis flamands et européens, la langue, c'est la vie. Les langues vivent, les langues meurent. On ne peut enfermer une langue. Ou l'imposer (sauf à utiliser de moyens répressifs des temps pré-démocratiques)...

Si les Flamands demandent aux Belges de s'identifier: "Etes-vous francophones ou néerlando-phones?!? Vite, répondez!" Ils oublient que l'on peut se définir comme bilingue ou multi-lingues. Que le métissage existe. Que la Belgique est au centre de l'Europe. Que la Belgique est un peuple de "Zinneke", de bâtards... Dommage! Mais demain, les Wallons, les francophones belges qui seront sommés de se positionner (Quelle violence! Etes-vous hutus ou tutsi?) iront probablement rejoindre leur patrie culturelle : la latinité, la romanité, la France.
La France est aujourd'hui vue comme unilingue mais c'est le pays d'Europe qui est le plus riche en langues. La République française tourne le dos à l'absolutisme et au centralisme pour s'ouvrir aux régions. La Wallonie deviendra ce qu'elle a toujours été, une région du domaine roman. La Wallonie deviendra une région du domaine français.
La République française nous accueillera comme l'Europe a accueilli les Européens de l'est. Parce qu'ils sont européens, parce que nous sommes de culture française.
Mais à l'heure où la démocratie avance et où la brutalité recule, pourquoi faudrait-il que nous nous séparions de vous, Amis flamands, avec qui nous avons partagé tellement de choses, avec qui nous partageons la bonhomie, la dérision, la joie de vivre et de boire une bière.

La bourgeoisie francophone (wallonne et aussi flamande) avait refusé de créer en 1937 un vrai pays bilingue. Pour sauver cette expérience surréaliste qu'est la Belgique, les Wallons ("intel-lectuellement handicapés" c'est vrai mais comme tout dominant linguistique, voyez les Américains aujourd'hui, mais sans doute moins que les Anglo-saxons) sont sans doute prêts dans la périphérie et aux frontières mais sans doute aussi à Namur et ailleurs à tenter l'aventure de l'apprentissage désintéressé de la langue flamande. Pour le simple plaisir d'être encore vos frères en surréalisme.
Si vous ne le voulez pas, tout le monde y perdra beaucoup (tout? enfin l'essentiel). L'Europe y perdra (et la Commission européenne qui veut par souci d'efficacité imposer l'anglais!... Alors que l'efficacité en démocratie est de dialoguer, de vérifier que l'on s'est bien compris...) Vous y perdrez beaucoup.
Dois-je vous rappeler la catastrophe qu'a représenté pour la Flandre du 16e siècle le départ de ses élites protestantes vers les Pays-Bas? Voulez-vous vous séparer de cette richesse que re-présente pour vous le dialogue difficile et stimulant avec les Wallons, avec la latinité?).
Ces gens de la Commission européenne semblent ne pas comprendre pourquoi ils ont des problèmes avec les peuples d'Europe... Mais que peuvent-ils comprendre à l'Europe?!? Eux qui, après 50 ans de présence dans la belle, bâtarde et si attachante Bruxelles, ne comprennent toujours pas que l'efficacité est dans le temps que l'on passe à se parler plus que dans ce que l'on se dit.

Amis flamands, ce n'est plus l'élite francophone et censitaire qui dirige la Belgique, ce sont les peuples de Belgique. Bazardez vos constructeurs de clichés et faux murs!
Votons pour la démocratie des peuples et du coeur.

Sinon le pays explosera et les Wallons iront enrichir la culture française parfois un peu trop sérieuse et arrogante de notre surréalisme. ...ce qui finalement serait aussi une chance pour l'Europe.
Si vous vous séparez de nous, nous perdrons beaucoup mais je pense que vous perdrez beaucoup plus. Il y a déjà une Hollande industrieuse et pragmatique. L'Europe n'a pas besoin d'une triste copie. Choisissez la joie. Rappelez-vous : "Ceci n'est pas un pays", ceci est un rêve éveillé, un rêve d'Europe et de chaleur nordique...

Rédigé par: jrl | le 17/07/2008 à 00:28