Bruxelles, ik hou ook van je...
Christian Laporte
Mis en ligne le 12/07/2011 (La Libre Belgique)
Face à un joli parterre francophone, le Parlement flamand précise sa pensée sur Bruxelles. Les élus PS, Di Rupo en tête, n’ont pas applaudi.
Ils étaient là tous les deux mais contrairement à l’an dernier, où ils s’étaient chaleureusement congratulés, alors en pleine parade amoureuse pré-gouvernementale (ben oui!), les présidents de la N-VA et du PS ont tout fait pour s’éviter à la réception officielle de la Fête flamande. C’est que la tension reste vive entre Bart De Wever et Elio Di Rupo, le second n’ayant pas encore digéré de s’être fait traiter de "perfide et incompétent" par le premier devant la seule presse flamande. Mais bon, le seul moyen d’espérer (re)fumer le calumet de la paix, dans ce pays complexe mais attachant, au bord de la mer du Nord est de continuer à se fréquenter. Le 11 juillet était une belle occasion de faire la fête avec les "cousins" de Flandre. Bingo, car il y avait plus de francophones que de coutume à l’Hôtel de ville de Bruxelles : André Flahaut, Jean-Charles Luperto, Rudy Demotte et Françoise Dupuis formaient une garde prétorienne d’Elio Di Rupo alors que le MR se limitait à un duo Reynders - De Decker. Le gouvernement fédéral était bien représenté par les trois principaux ministres CD&V à l’instar de l’exécutif germanophone, Karl-Heinz Lambertz en tête, mais pas l’ombre d’un ministre régional bruxellois... francophone.
Une occasion manquée car Jan Peumans (N-VA) a consacré tout son discours à Bruxelles et, selon ses propres dires, "pas comme un nationaliste flamand anti-bruxellois"... De fait, après avoir accueilli ses invités en français puis en allemand - chapeau, voorzitter! -, le président a reconnu que "la Flandre avait une relation d’amour-haine avec Bruxelles" mais "sans doute, le Flamand modal ne connaît-il pas la capitale". Le moment est donc venu de dépasser les clichés et Peumans avait eu la bonne idée de consulter "ses" six parlementaires bruxellois.
Après avoir défini les grands défis qui touchent Bruxelles (la croissance de la population, sa dimension de plus en plus multiculturelle et, en même temps, une certaine fuite de sa population plus aisée), le président du Vlaams parlement a estimé que quatre ingrédients étaient nécessaires pour améliorer le sort de la région centrale: "de la créativité, des moyens, du courage et une réelle volonté de soutenir les Flamands à Bruxelles".
M. Peumans a réfuté que la Flandre n’aimait pas Bruxelles; elle y investit annuellement 670 millions d’euros. Il a aussi demandé une plus grande concertation structurelle à l’image de ce qui a déjà été fait entre les ministres de l’Emploi flamand et bruxellois. Le président veut lui-même donner l’exemple: responsable de la commission mobilité dans son assemblée, il a pris contact avec son alter ego de la Région bruxelloise afin de se pencher ensemble sur les dossiers transrégionaux, dont l’élargissement du ring n’est pas le moindre... (Nldr: Ils ne disent pas que chaque année 17 Mia d'euros passent de Bruxelles à la Flandre. Ils mentent par omission.)
Cela dit, même un jour de fête, on se lance des (petites) piques... M.Peumans, sans le dire vraiment, n’a pas caché qu’il avait des questions sur la "Fédération Wallonie-Bruxelles" mais ce fut pour mieux aborder la question du sentiment bruxellois. C’est certain pour lui: il y en a un comme il y a une identité, à géométrie variable, puisqu’on "peut être Flamand et Bruxellois, francophone et Bruxellois, allophone et Bruxellois".
"Les Flamands de Bruxelles se sentent souvent bruxellois dans leur cœur et dans leur tripes" mais cela implique aussi une certaine réciprocité à leur égard dans une ville qui n’est plus néerlandophone à 95 % comme en 1788; il reste que "le néerlandais et la culture ne peuvent survivre que si chaque responsable bruxellois reconnaît leur place et les respecte".
La témpérature est encore montée de quelques degrés dans la salle gothique de l’hôtel de ville lorsque Jan Peumans a voulu évoquer la crise politique. Le sourire crispé et le visage tendu, Elio Di Rupo a écouté l’orateur constater que"les propositions sur Bruxelles du formateur étaient diamétralement opposées à la résolution du Vlaams parlement sur Bruxelles". Et de s’en prendre aux suggestions de reprise par la Région bruxelloise de certaines compétences communautaires flamandes. Ou encore à la promesse de refinancer Bruxelles sans qu’il y ait en contrepartie des mesures courageuses pour une gestion plus efficace de la capitale. (Nldr: Bruxelles ne veut pas d'immixtion flamingante sur son territoire. Une dictature flamingante serait un enfer pour les francophones de BHV)
Jan Peumans a profité de l’occasion pour déplorer que, malgré ses nombreuses tentatives et invitations dans ce sens, le Parlement wallon et le parlement communautaire n’aient pas encore répondu positivement à sa demande de concertation structurelle. Il en va tout autrement avec la Communauté germanophone... Interrogés par Belga après le discours, Jean-Charles Luperto et Emily Hoyos ont expliqué que la balle était dans le camp de leur homologue flamand, se disant prêts à cette concertation pour autant que le Parlement bruxellois soit aussi invité...
Une première éclaircie dans un ciel communautaire très encombré? Il faudra sans doute encore quelques jours pour ramener un peu de sérénité: à la fin du discours de Jan Peumans, Elio Di Rupo et André Flahaut se sont ostensiblement abstenus d’applaudir, et le président du PS a joué la fille de l’air par l’intérieur de l’hôtel de ville pour échapper à la meute des journalistes.
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